S’il y a bien un joueur dans le football moderne qui incarne le chaos, le génie pur et la frustration, c’est Ousmane Dembélé. Pendant des années, j’ai observé sa carrière comme on regarde un feu d’artifice défectueux. On sait que le potentiel explosif est immense, mais on craint à chaque instant que tout ne s’éteigne dans un sifflement décevant.

Recruté pour une somme astronomique par le FC Barcelone pour remplacer Neymar, Dembélé est rapidement devenu le symbole d’un club en déclin, passant plus de temps à l’infirmerie que sur le terrain. Son nom était synonyme de « blessure aux ischio-jambiers ». Et pourtant, aujourd’hui, nous parlons de lui non plus comme d’un échec, mais comme l’un des ailiers les plus dominants d’Europe sous les couleurs du Paris Saint-Germain.

Cette transformation est stupéfiante. La question qui brûle les lèvres de tous les observateurs, et la mienne en premier lieu, est la suivante : assistons-nous à une simple « bonne saison », ou est-ce le début d’une nouvelle ère pour Dembélé ? Une ère qui pourrait, contre toute attente, le mener vers les sommets que son talent a toujours promis, y compris la discussion pour le Ballon d’Or ? Dans cet article, je vais décortiquer cette résurgence, analyser ce qui a changé et ce qui doit encore l’être.

L’Éclosion : Quand le Talent Pur Suffisait

Pour comprendre la chute, il faut se souvenir de l’ascension. Je me souviens très bien de ses débuts à Rennes. C’était brut, instinctif. Un gamin qui jouait dans la cour de récréation, capable de frapper des deux pieds avec une puissance et une précision identiques. C’était presque déroutant.

Son passage au Borussia Dortmund n’a été qu’une confirmation. En une seule saison en Allemagne, il est devenu l’un des meilleurs créateurs d’Europe. Il était électrique. Le dribble était sa langue maternelle, et il la parlait couramment des deux pieds. Le BVB savait qu’il tenait un diamant, mais le FC Barcelone, en panique après le départ de Neymar en 2017, a décidé de payer le prix fort, très fort (plus de 100 millions d’euros hors bonus), pour ce diamant encore à polir.

Et c’est là que les problèmes ont commencé.

Les Années Noires à Barcelone : L’Infirmerie comme Seconde Maison

Je dois être honnête : le passage de Dembélé à Barcelone a été, pour moi, l’un des plus grands gâchis de talent de la décennie. Ce n’était pas seulement la pression du transfert. C’était un cercle vicieux.

Dès son arrivée, le poids du numéro 11 et l’attente de remplacer une icône l’ont écrasé. Puis, la première grosse blessure est arrivée. Une rupture du tendon du biceps fémoral. Des mois d’absence. À peine revenu, une autre. Puis une autre. Son corps, peut-être pas encore prêt pour l’intensité exigée par un club comme le Barça, ou peut-être mal préparé, cédait constamment.

Les critiques fusaient, et pas seulement sur son physique. On parlait d’hygiène de vie douteuse, de retards à l’entraînement, d’une diète plus proche de celle d’un étudiant que d’un athlète de haut niveau. Le club lui-même semblait perdu, ne sachant comment gérer ce talent de cristal.

Chaque fois qu’il revenait et enchaînait deux ou trois matchs brillants, l’espoir renaissait, avant d’être douché par une nouvelle élongation. Il était devenu « l’homme de verre ».

La Métamorphose Parisienne : L’Effet Luis Enrique

Quand le PSG l’a signé à l’été 2023, j’étais sceptique. Beaucoup l’étaient. Cela ressemblait à un pari risqué, un de plus pour le club de la capitale. Mais quelque chose de fondamental a changé. Ce « quelque chose » a un nom : Luis Enrique.

L’entraîneur espagnol a fait de Dembélé la pierre angulaire de son attaque. Plus important encore, il lui a donné une confiance absolue, même lorsque les statistiques (buts et passes décisives) ne suivaient pas en début de saison.

Ce que j’observe chez le Dembélé parisien est une transformation à plusieurs niveaux :

  1. La Durabilité : C’est le point le plus crucial. Dembélé a enfin enchaîné une saison complète sans blessure majeure. Le travail sur sa préparation physique, son hygiène de vie (il est désormais marié et père, ce qui semble l’avoir stabilisé) et la gestion de son temps de jeu par le staff parisien ont porté leurs fruits. Il ne joue plus avec la peur de se blesser.
  2. L’Intelligence Tactique : Sous Luis Enrique, Dembélé n’est plus seulement un dynamiteur. Il est devenu un véritable créateur de système. Il respecte sa position sur l’aile droite, étire le bloc adverse et fait preuve d’un volume de jeu impressionnant, y compris dans le repli défensif.
  3. Le Leader Technique : Sans Messi, Neymar et (surtout après le départ de) Mbappé, Dembélé est devenu le principal provocateur. Il assume la responsabilité de faire la différence. Sa capacité à éliminer son adversaire en un contre un est peut-être la meilleure au monde aujourd’hui. Il crée un nombre ahurissant d’occasions.

Le Paradoxe Dembélé : Créateur Ultime, Finisseur Frustrant ?

C’est là que le bât blesse encore, et c’est ce qui, à mon avis, le sépare encore des vrais prétendants au Ballon d’Or. Sa saison 2023-2024 a été marquée par un paradoxe incroyable : il était peut-être le joueur le plus dangereux d’Europe… et l’un des moins efficaces devant le but.

Il a touché les poteaux, manqué des face-à-face, ou choisi la mauvaise passe au dernier moment. C’était frustrant. Pour gagner les plus grands matchs, un ailier moderne doit être décisif. Il a besoin de cette fiabilité que l’on voit chez des joueurs au profil peut-être moins spectaculaire mais plus « carré », comme un Pierre-Emile Højbjerg au milieu de terrain, qui fait le travail essentiel sans fioritures. Dembélé, lui, est toute en fioritures.

Cependant, vers la fin de la saison, notamment en Ligue des Champions, il a commencé à marquer des buts cruciaux. S’il parvient à régler sa finition, il change de dimension.

Voici une comparaison de ses saisons les plus significatives pour illustrer ce point :

Saison/ClubApparitions (Toutes Comp.)ButsPasses DécisivesJours manqués (Blessure)*
2016-17 (Dortmund)49102110 jours
2018-19 (Barcelone)42149104 jours
2020-21 (Barcelone)4411529 jours
2023-24 (PSG)426140 jours (blessure majeure)

*Source approximative basée sur les données publiques (par exemple, Transfermarkt).

Le tableau est clair : sa disponibilité au PSG a été totale, et sa production créative (passes décisives) est revenue à ses meilleurs niveaux de Dortmund, même si son nombre de buts reste faible pour un attaquant de ce calibre.

Ballon d’Or : Fantasme ou Objectif Réel ?

Alors, revenons à notre titre. Le Ballon d’Or. Est-ce sérieux ?

À l’heure actuelle, je dirais que c’est un fantasme. Mais ce n’est plus un fantasme impossible.

Pour gagner le Ballon d’Or, il faut trois choses que Dembélé n’a pas encore alignées simultanément :

  • Une santé de fer sur la durée : Il est sur la bonne voie (une saison, c’est bien, trois, c’est mieux).
  • Des trophées majeurs : Il a gagné la Ligue 1, mais pour le Ballon d’Or, il faut la Ligue des Champions ou un triomphe en compétition internationale (Euro/Coupe du Monde) en étant le joueur majeur.
  • Des statistiques « folles » : C’est là son plus grand défi. Les votants aiment les chiffres. 30 buts, 20 passes décisives. Vinicius Jr, Mbappé, Bellingham… ce sont ses concurrents.

Parier sur Dembélé pour le Ballon d’Or il y a deux ans, c’était comme miser sur un casino depot 5 euros : un pari amusant, à faible risque, mais que l’on n’attend jamais voir gagner. Aujourd’hui, les chances ont changé. Le pari n’est plus ridicule.

S’il reste en forme, s’il affine sa finition pour atteindre 20 buts tout en gardant sa créativité, et si le PSG (ou l’Équipe de France) va au bout d’une grande compétition grâce à lui, alors oui, il entrera dans la conversation.

La Vraie Victoire est Déjà Là

Pour moi, la plus grande victoire d’Ousmane Dembélé n’est pas un futur Ballon d’Or. Sa vraie victoire, c’est d’être redevenu un footballeur. Un joueur fiable, disponible semaine après semaine, capable de porter l’attaque d’un grand club européen.

Il a vaincu ses démons physiques et les critiques qui le disaient fini. Il a transformé les sifflets en applaudissements, le doute en danger permanent pour l’adversaire. Il est passé du statut de « patient zéro » à celui de « facteur X ».

Le chemin vers le sommet absolu est encore long, et la concurrence est féroce. Mais pour la première fois depuis sept ans, Ousmane Dembélé court dans la bonne direction, et il ne semble plus regarder en arrière.

Artiste et beatmaker ayant grandi dans une famille de journalistes, j'allie mes différentes passions grâce à This is Riviera, et ce, depuis plus de 10 ans maintenant.

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